ToUt vA s’EfFoNdRer

Salut les potes. Bon, c’est n’importe quoi. J’ai vraiment trop écrit. Ce post est encore plus long que le précédent. Je ne pensais pas moi même que c’était possible. Bref. Retour sur 2 années de remises en question. Alors que j’avais repris des études depuis un an dans une petite école d’art, un de mes camarades est décédé. Je ne le connaissais pas très bien, mais jusqu’à ce jour je pense à lui et j’ai de la peine pour ses proches. Il avait à peu près mon age, et il est mort soudainement. Je n’ai pas envie d’instrumentaliser cet événement tragique pour tirer des larmes ou de la complaisance. Même si c’était un choc, je m’en suis remis. Si j’en parle aujourd’hui, c’est surtout parce que c’était un élément déclencheur pour moi. Et je trouve que toutes les prises de conscience qui en découlent sont très importantes, et valent la peine d’être partagées. Au moment où j’ai appris la nouvelle, j’étais sous le choc. Sans trop le choisir, j’étais dans le déni pour me protéger. « C’est pas possible. C’est incroyable. Pourquoi lui ? » Et puis, j’en ai appris un peu plus sur ce qui c’était passé. Alors le déni s’est très rapidement transformé en colère. Il filmait la lutte des militants écologistes dans la forêt « Hambacher Forst » au large de Cologne, en Allemagne. Pour ceux qui suivent l’actualité écolo, c’était le projet « Ende Gelände », visant à empêcher l’agrandissement d’une mine de charbon. Ce projet aurait rasé une forêt vielle de plusieurs centenaires et privé d’habitat quelques espèces d’animaux uniques. Les activistes occupaient le terrain, notamment dans des cabanes dans les arbres pour empêcher par leur présence de les abattre. C’est la technique de « vous devrez me passer sur le corps ». Seulement ces constructions étant en hauteur, et au cours de son reportage, mon camarade a eu la malchance de tomber d’une d’entre elle, et n’en est pas sorti vivant. C’est donc un scénario tragique, presque manichéen. Les gentils activistes écolos, en lutte contre la méchante industrie. Et ce qui m’a le plus perturbé c’est que la police était là pour dénicher les activistes. Et en rejouant ce scénario dans ma tête je me disais « Mais, comment est-ce possible ? Ça paraît tellement absurde. Ça fait des années et des décennies qu’on entend parler de réchauffement climatique, que le charbon est une des pires énergies fossile en terme d’émission de CO2, que la déforestation est une des causes principales de la perte de biodiversité… C’est pourtant clair que ce projet de mine devait s’arrêter ! Et maintenant quelqu’un est mort en tentant de défendre ce point de vue qui pourtant tombe sous le sens ? Pourquoi est-ce que l’état allemand laisse ce genre de choses arriver ? En fait il ne s’agit même pas de laisser ces choses arriver, il s’agit d’être auteur ou au moins complice. Est-ce qu’ils sont tous cons, ou tous méchants ? »

On croirait kirikou qui se demande pourquoi karaba la sorcière est méchante
Moi et ma naïveté

Deux problèmes tournaient dans ma tête. D’une part le récit était trop manichéen. L’état avait peut-être de bonnes raisons de laisser une entreprise miner plus de charbon ? D’autre part, je pensais que l’état était garant de l’intérêt de ses citoyens. Or ici, malgré des résistances physiques, il a continué d’envoyer la police. Alors peu à peu, en acceptant la réalité, j’ai réalisé deux choses. D’une, je suis un peu ignare. A quoi sert ce charbon, où va-t-il ? Quel est le rôle de l’état ? Et de deux : le pire est possible. La mort est possible. Au final, le changement climatique et ses sécheresses sont possibles. Les pénuries alimentaires et les guerres sont possibles. Ce ne sont pas juste des concepts abstraits, et lointains, mais de réelles éventualités. C’est arrivé dans le passé, ça arrive aux autres… Quelle raison tangible ai-je de croire que ça n’arrivera pas à moi ? Aucune. J’étais pris d’anxiétés. Et le problème avec l’anxiété, c’est que bien souvent on craint des choses qui ne sont pas des vraies menaces. La démarche saine aurait été de chercher à calmer mes peurs, mais en vérité, je cherchais plutôt à les valider. Alors au fil des mois et des années, je me suis renseigné sur la situation actuelle de notre planète, au niveau écologique, mais aussi au niveau systémique. Quels sont les mécanismes que les humains ont mis en place pour mettre sur pied cette civilisation si avancée technologiquement, et pourtant si déconnectée du monde dans lequel nous vivons ? Et je n’ai pas été déçu. Jusqu’ici rien ne m’a permis de me rassurer, au contraire. Et le pire, c’est que j’ai parfois l’impression d’être seul à avoir pris conscience viscéralement des dangers qui nous attendent. Parce qu’en plus de l’idée louable de vouloir un monde meilleur, de manière égoïste, j’ai aussi peur pour mes proches et moi. C’est ce chemin que j’ai envie de partager avec vous aujourd’hui. Parce que ça m’a pris longtemps, et peut-être qu’il faut que ça prenne du temps pour mûrir en chacun d’entre nous. Mais je pense que maintenant est un moment critique, et que si ce que je raconte peut vous aider un peu dans votre réflexion, alors j’aurais pas écrit ça pour rien. Aussi, j’en ai un peu marre de faire semblant que je vais essayer d’avoir une vie normale, alors qu’en fait j’ai l’impression que ça ne sera jamais possible. Je vais partager l’évolution de mes opinions et de mes idées, des déclics, mais aussi quelques points techniques qui me semblent essentiels. Je tiens cependant à vous préciser dès maintenant, je ne partagerais pas de solution et je ne vous encouragerait pas à croire que tout ira bien si on prend les bonnes décisions. D’après moi les gens qui vous proposent des solutions simples à des problèmes complexes soit n’ont pas compris le problème, soit vous prennent pour des cons. La plupart de ces espoirs sont en fait des illusions dont il est dur de se défaire, et dont il faut pourtant se défaire. Aussi, à mon avis, on ne prendra jamais collectivement les décisions nécessaires pour le changement dont nous avons réellement besoin. Non pas parce qu’on est bêtes ou méchants ou paresseux. Mais parce que collectivement, on ne prend pas l’ampleur du chantier à entamer. Je vous invite à voir l’interview de Nicolas Hulot qui démissionne de son poste de ministre en direct à la radio. C’est édifiant. (40 minutes, seulement les 15 premières si vous êtes pressés) J’ai conscience que tout ça a l’air pessimiste, défaitiste et tout ce que vous voulez. Je ne vous demande pas de me croire sur parole, ce constat n’est pas le résultat de mon observation ou de mon intuition personnelle. Il est le fruit d’une longue documentation. Ce que je partage ici n’engage que moi, mais l’écrasante majorité de ces raisonnements viennent de gens bien plus compétents et brillants que moi dans des domaines tels que le climat, l’énergie, l’économie, la société… Aussi, j’ai conscience que tout ce que je raconte est dur à prendre au sérieux. C’est tentant de tout balayer d’un revers de main et de dire que je joue le rôle d’oracle de malheur. Vous auriez raison de vous méfier de ceux qui jouent sur la peur. C’est en effet une façon simple de manipuler les gens. Pour autant, s’il y a des manipulateurs qui jouent sur la peur, ça ne veut pas dire que la peur est forcément manipulatrice. Bref. Je vais tenter l’exercice périlleux de vous partager mes peurs, sans pour autant paralyser qui que ce soit. J’espère que vous êtes prêts.

Annoyed_Picard

Avant de parler de maintenant, je dois revenir sur il y a deux ans, car chaque étape compte. A l’époque, je participais à des marches pour le climat, je signais des pétitions, et je partageais des posts sur facebook pour tenter de convaincre les pouvoirs publics et mes amis que l’écologie était un sujet qu’il fallait prendre au sérieux. Parce que au même titre que « pas de bras, pas de chocolat », force est de constater que « pas de planète, pas de vie ». Ces démarches avaient pour but d’interpeller les pouvoirs publics et de leur demander de prendre les bonnes décisions. « SVP plus d’énergies renouvelables, moins de pollution ! » et c’est à peu près il y a deux ans, je suis tombé sur une interview de Pablo Servigne sur la chaine YouTube Thinkerview, intitulée « Effondrement de la civilisation ? ». Intrigué par le thème et la durée de la vidéo (1h49), je me suis dit que s’ils arrivent à tenir sur un sujet si absurde pendant presque deux heures, soit ils sont complètement perchés… Soit ils ont des choses intéressantes à dire. Mon monde s’était déjà écroulé d’une certaine manière, suite au décès de mon camarade. C’est peut-être ce qui m’a donné envie de laisser une chance à cette théorie de l’effondrement. Et il se trouve que contrairement aux alarmistes que j’imaginais écouter, je suis tombé sur quelqu’un de posé, qui tente de partager un constat simple : notre civilisation est vouée à s’effondrer, et pas dans 100 ans. Nous devrions y assister de notre vivant. De notre vivant. C’était un gros choc. Même si quelque part ça faisait du bien de voir certaines de mes intuitions et peurs validées. Pourtant, ça ne voulait pas dire qu’il avait raison. Si on veut croire à un truc comme ça, il vaut mieux être bien armé théoriquement derrière. Alors j’ai regardé d’autres interventions de sa part. Toutes cohérentes et étayées de recherches scientifiques. Puis j’ai lu son livre « Comment tout peut s’effondrer », qui fait un tour d’horizon de la littérature scientifique sur le sujet du climat (qui nous réserve plus de catastrophes naturelles), de l’énergie (autrefois abondante, maintenant moins), de la biodiversité (qui fond), de la société et les organisations systémiques (rapides et complexes, constituant un gros point de fragilité). Et le constat est sans appel. Je cite

Pour reprendre la métaphore de la voiture, alors que l’accélération n’a jamais été aussi forte, le niveau de carburant indique qu’on est sur la réserve et que le moteur, à bout de souffle, se met à fumer et à tousser. Grisés par la vitesse, nous quittons la piste balisée et dévalons, avec une visibilité quasi nulle, une pente abrupte truffée d’obstacles. Certains passagers se rendent compte que la voiture est très fragile, mais apparemment pas le conducteur, qui continue à appuyer sur le champignon !


Comment tout peut s’effondrer. Seuil, 2014

Je ne suis pas là pour vous dire que la pandémie du covid-19 était prévue. Justement, non. Mais la fragilité de notre système était belle et bien mise en évidence, et les répercussions qu’un petit choc pouvait avoir était prévue. Je vous invite à lire ce livre ou à regarder ses conférences et à juger par vous même. Je ne peux pas plus résumer que ça le propos des auteurs sans entrer dans trop de détails. Personnellement, je suis passé par une sorte de phase de déni. Je n’avais qu’une vision floue du futur, et pourtant, ça remettait absolument tout en question. Toutes ces idées de carrière, de progrès technologique, de développement personnel, de conquête spatiale… Anéanties. C’était anxiogène, et le problème, c’est que cette fois j’avais des vraies raisons d’avoir peur. Donc j’avais le sentiment que d’ignorer ça était se mentir. Parce que, certes, la méthode de Pablo Servigne pour écrire son livre est discutable. Mais il ne sort pas pour autant ses arguments d’un chapeau magique. Il y a un consensus scientifique sur les catastrophes climatiques à venir (et présentes soit dit en passant), sur l’anéantissement de la vie sur terre, sur l’épuisement des ressources, sur la pollution. Ça m’a pris du temps avant de me rendre compte que si mon avenir était remis en question, et que la civilisation allait s’effondrer, le toit au dessus de ma tête n’allait pas pour autant s’écrouler du jour au lendemain. Et que même si le futur n’avait pas l’air heureux, dans le présent, j’allais bien. Je pense qu’il convient de voir l’effondrement non pas comme un choc ou un événement précis, facilement identifiable. Il s’agit en fait d’une série d’effondrements qui s’étalent sur une durée indéterminée. Le temps est une des variables les plus incertaines dans tout ce bordel. Mais je sais qu’au début j’étais pris d’angoisses et de sentiments d’impuissances. Constamment à me demander ce que je pouvais faire. Est-ce que ça vaut le coup de signer une pétition si de toute façon la machine est vouée à l’échec ? Coincé entre lutter, se résigner, s’imaginer survivre dans un monde post apocalyptique, et s’en foutre. Et c’est là que je me suis heurté aux limites de mon imagination. Je me suis vite rendu compte, que notre imagination est remplie de scénarios catastrophes qui ne sont pas du tout conformes à la réalité. Que nous ne sommes pas prêts à encaisser une telle nouvelle, et que même si on l’était, nous ne serions même pas prêts à imaginer ce qu’elle implique. Le deuil n’est pas une chose aisée, mais quand on nous annonce que quelqu’un est décédé, on s’imagine des causes probables, on pense à la cérémonie, on pense aux proches. Si on nous annonce la mort d’une civilisation, on pense à quoi ? C’est le vide total. A force de regarder des films catastrophe à la Mad Max, des Walking Dead ou des Avengers où des forces extra terrestres menacent la vie sur terre mais aussi sur l’UNIVERS… Forcément on se trouve pris de panique si on s’imagine être bientôt propulsé dans l’un de ces cataclysmes. Et c’est dommage parce que

Les humains fonctionnent aux histoires. C’est pas juste une théorie farfelue ou un fait annexe. C’est une rares choses qui nous distingue d’autres animaux. On dit souvent que les humains ont des pouces opposables et un gros cerveau. On oublie souvent de dire que ce gros cerveau ne nous sert pas seulement à faire des maths et de la physique. Il nous donne la capacité de croire en des choses qui n’existent pas. Si je vous dit que Peugeot n’existe pas, vous serez tenté d’objecter, à raison. Et pourtant je n’ai pas totalement tort. Dans le monde physique, il n’y a pas d’entreprise Peugeot. (mythe de Peugeot mieux expliqué dans le livre Sapiens de Yuval Noah Harari). Il y a des symboles qui représentent l’entreprise, des produits, des valeurs, une histoire, des gens qui travaillent pour elle, dans des bâtiments… Et collectivement, nous décidons d’y croire. Pourtant, il n’existe que dans notre imaginaire collectif. Si par une force juridique Peugeot était dissolu, les gens qui y travaillent et ses bâtiments seraient toujours là. Seulement il n’y aurait plus d’entreprise Peugeot. Elle n’existe en fait que dans nos têtes. Pareil pour Luke Skywalker. Il n’existe pas. C’est un personnage fictif de Star Wars. Et pourtant si je vous dit que c’est un médecin marseillais, vous me direz non, je me trompe. Or comment est-ce que je peux me tromper sur quelque chose qui n’existe pas ? Parce que nous croyons collectivement en ces histoires. C’est ce qui a permit à des gens qui ne se connaissaient pas de coopérer, ou de s’affronter. Sans récit commun, les humains seraient restés en groupes de 150 à 200 individus, et n’auraient coopéré que parce qu’ils se connaissaient. C’est donc à mon sens ce qui manque le plus cruellement en ce moment. Nous ne sommes pas d’accord sur les histoires qu’on se raconte. Beaucoup d’entre nous, et moi le premier il y a quelques mois, veulent bien admettre que le système va mal. Mais qu’en l’améliorant, en ajoutant des éoliennes et des panneaux solaires ça va le faire. Que si la technologie nous permet de sauver des vies grâce à la médecine, ou de voler grâce aux avions, ou de communiquer par visioconférence, alors on peut bien trouver des solutions au changement climatique non ? Que si les élites savent piloter un état, alors ils sauront piloter une crise…

Non ?

Force est de constater que non et non. Les états n’ont en général pas les bons outils pour lutter, les activistes non plus. D’une certaine manière, je suis toujours d’avis que c’est bien de manifester et de signer des pétitions. Je ne veux pas fustiger ceux qui manifestent ou signent des pétitions, parce que ça va dans le bon sens, que ça fait du bien de gueuler un coup, et que tout effort est bienvenu. Seulement voilà, des années de luttes, quelques victoires, mais dans leur ensemble, les choses ne vont pas en s’arrangeant en terme de climat et de biodiversité. Probablement seraient les choses pires sans cette lutte. Seulement je pense que c’est du gâchis de mettre toute son énergie, son temps et ses espoirs dans une solution qui ne garantie pas de résultat, surtout quand l’enjeu est la survie des humains et des animaux. Avant, je pensais que si on était suffisamment nombreux à signer une pétition, ou à participer à une marche, ça allait changer quelque chose. Je pensais donc que le principal frein, était qu’on n’était pas suffisamment nombreux. Or l’affaire du siècle a été signée par plus de 2 Millions de personnes. 2 Millions. J’ai signé et partagé cet appel. Et concrètement, je ne sais pas à quoi il a abouti. Patience me direz vous. On n’a pas le temps, je répondrai. Je ne pense plus que les gens vont se réveiller et se mettre à faire de bonnes choses pour l’environnement en mode épiphanie « Oh mon dieu, j’ai eu tort toute ma vie ! ». Cet espoir là est mort en moi depuis longtemps. Et ce n’est pas une mauvaise chose. Parce que ça tenait plus d’une illusion que d’un espoir réaliste. Est-ce que des hommes et des femmes politiques vont faire volte face du jour au lendemain après avoir vu que x milliers personnes avaient signé une pétition ? J’en doute. Effectivement, c’est possible, et ça vaut le coup de s’exprimer et de faire barrage avec les outils qu’on a, mais la survie de la terre est trop importante pour être laissée à un « c’est possible ». Imaginez monter dans un avion et demander au personnel de bord si l’avion va atterrir sain et sauf, et de vous voir répondre « C’est possible ». Ça vous met en confiance ou pas ?

Eh oui

Voici un minuscule florilège de dictons qui illustrent bien la situation :

  • La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.
  • Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou.
  • On ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré.

Pour celles et ceux qui lisent encore ce texte, déjà, merci, vraiment. Pour celles et ceux qui ont reconnu ces citations, oui j’aime bien Einstein (1 et 3), et la 2ème est de Abraham Maslow.

Donc pour faire le point, je me suis rendu compte que :

  • La situation est urgente.
  • Le système est puissant mais fragile.
  • Le problème est complexe, très complexe. A vrai dire il ne s’agit pas d’un problème mais d’une succession de problèmes interconnectés, et les solutions aux problèmes sont généralement mutuellement exclusives (solutionner un problème empêche d’en solutionner un autre)
  • La plupart des méthodes utilisées pour faire avancer la situation (marches pour le climat, législation, pétitions, lobbying…) sont soit inefficaces, soit prendraient bien plus de temps qu’il ne faudrait. C’est pourquoi Nicolas Hulot a décidé, avec lucidité, de quitter le gouvernement. Parce que les structures habituelles ne sont pas équipées pour faire face à ce merdier mais aussi parce que
  • La volonté publique n’est pas là, en partie dû au fait que nous croyons en des chimères de développement durable, et qu’on ne constate pas l’ampleur de l’enjeu. Si c’était le cas, nous ressentirions tous une peur viscérale, et serions prêt à faire vraiment bouger les choses.

Quelques points techniques pour appréhender le problème. Je me suis mis à voir le réchauffement climatique comme un symptôme de l’activité industrielle. Et ça change tout. Parce que manifester contre le réchauffement climatique, c’est demander aux politiques et aux industriels de réduire l’activité des usines, ce qui revient à leur demander poliment d’aller à l’encontre d’un de leurs besoins fondamentaux : gagner plus d’argent. Car moins d’activité pour les entreprises = moins d’argent pour les entreprises = moins de revenus pour les travailleurs = moins d’impôts = moins de revenus pour les états = moins de PIB = récession = impossibilité de rembourser la dette = faillite des états. C’est la base (certes mal écrite et un peu inexacte) de la théorie de notre économie actuelle. Regardez les vidéos de Heu?reka il explique tout bien. Ça dure 35 minutes mais ça vaut le coup. Et alors me direz vous « on peut faire plus d’activité mais juste moins polluer !». Eh bien malheureusement non. Il se trouve que l’augmentation de l’activité économique se traduit toujours par une augmentation de la consommation d’énergie, et dans un monde où la part d’énergie carbonée est de 80%, ça veut dire grosso modo : plus d’activité économique = plus de CO2 dans l’atmosphère. Essayez d’imaginer une activité économique sans énergie. C’est aujourd’hui impossible, car, que vous travailliez sur un chantier ou dans un bureau, vous avez besoin de machines (que ce soit un chalumeau ou un ordinateur). Or toutes ces machines sont alimentées en électricité ou en carburant. Donc plus vous travaillez, plus vous consommez l’un ou l’autre. (Meilleures explications iciiiiii. Interview de 45 minutes mais ce que je dis est expliqué dans les 15 premières minutes)

Dernier point personnel, et où je me trouve actuellement. Alors que j’étais en pleine crise existentielle et que je commençais à y voir plus clair sur les tenants et les aboutissants de ce merdier, j’ai eu vent d’une organisation appelée Extinction Rebellion. Venue d’Angleterre, ces activistes luttent contre l’extinction du vivant sur Terre via de la désobéissance civile non violente. Ce qui veut dire qu’ils choisissent de faire des actions qui vont à l’encontre de la loi (bloquer le trafic d’une ville, exemple le plus connu) et ils ont pour limite de ne jamais rien insulter, casser, frapper. Mais faire chier le monde de manière pacifique pour envoyer un signal fort : désolé de vous faire chier en bloquant un pont, mais nous estimons que la situation est urgente et grave, et nous voulons que vous et les pouvoirs publiques agissent maintenant. Le but est d’interpeller, et parfois aller jusqu’à se faire interpeller. Blague. Du coup je me suis dit banco ! C’est exactement ce qu’il nous faut. On a besoin de gens qui sèment un peu de désordre pour forcer le changement. J’ai regardé leur vidéo qui présente le constat et le mode d’action (50 minutes. C’est en anglais mais des sous titres français sont disponibles) Je me suis donc mis à participer aux divers rendez vous, ce qui m’a fait beaucoup de bien de parler à des gens qui prenaient le problème au sérieux. J’avais l’impression d’être fou à force de dire que la situation était grave et qu’on me réponde soit rien du tout, soit que « oui mais bon… ».

En Octobre, j’ai participé à la semaine de rébellion à Berlin, où nous avons foutu un petit bordel qui a été remarqué dans les premiers jours, puis quelque peu passé sous le radar médiatique. Certains nous félicitaient de notre comportement non violent, certains nous fustigeaient pour la même raison. Nous avions un rapport apaisé avec la police et nous avons même eu des discussions intéressantes avec des officiers. Donc c’était une expérience incroyable qui m’a fait un bien fou, et qui, je pense a eu son petit retentissement. Mais malgré tout, une fois rentré à la maison, tout est revenu comme avant. Le syndrome de l’après manifestation. On rentre chez soi, on allume le chauffage. On a la vague impression d’avoir changé quelque chose, et ceux qu’on tente de faire changer nous félicitent de ne pas les forcer. Et ceux qui n’ont pas les mêmes méthodes que nous scandent qu’on est des couilles molles ou bien qu’on est trop radicaux. La critique est toujours bienvenue, mais parfois c’est agaçant que les gens qui ont les mêmes objectifs se tirent dessus. Je ne comprends pas comment on peut être trop radical. Radical veut dire aller à la racine. Et de nos jour, je pense que la seule possibilité de nous sortir du pétrin, est de traiter les problèmes à la racine. D’être en rupture et d’imaginer de nouveaux modes d’organisation. Je sais qu’on utilise souvent ce mot pour les terroristes mais ça ne veut pas dire que ça ne s’applique qu’à eux. Je suis pas en train de dire qu’il faut faire péter l’Élysée, mais je me suis ouvert à l’idée que l’état a besoin de l’industrie, et que l’industrie a besoin de l’état, et qu’ensemble, ils contribuent à détruire le vivant. Et que donc c’est aussi eux qu’il faut entièrement réformer si on veut continuer à entendre le chant des oiseaux et accessoirement avoir à manger. C’est pas parce qu’on a une image sanglante de la révolution française qu’on est obligé de reproduire ce type de révolution. Je sais que les temps sont durs et je sais que j’ai le privilège d’avoir le temps de me poser des questions et d’y chercher des réponses. On entend parfois « Il faut se poser les bonnes questions » et c’est pas si facile.

Dans la tête de personne

Mais je sais aussi que je ne suis pas le seul à être privilégié, et que les choses ne vont pas aller en s’arrangeant si on ne fait rien. Oui c’est tentant de reporter le chantier à demain parce qu’il est immense et qu’on ne sait même pas par où commencer. Voilà où je me trouve aujourd’hui. Beaucoup de désillusions et très peu d’espoir. Mais il y a une chose que j’espère c’est qu’on utilise cette crise du corona, ou plutôt les suivantes, parce qu’il y en aura d’autres. C’est pas en temps de crise qu’on met en œuvre les solutions de crise. Il faut se préparer avant les chocs à être résistant aux chocs. Avec le coronavirus, on a vu deux choses très importantes :

  • que nous sommes prêts à accepter un changement drastique de notre quotidien. Et ça vaut aussi pour les banques centrales qui par magie font tourner les planches à billets à gogo. Ça veut bien dire que notre modèle économique et social n’est pas la seule possibilité. Il est temps d’ouvrir un peu le champ des possibles, et de se mettre à exiger ce qui – il y a 2 mois – était impensable.
  • notre civilisation est très fragile. Un virus apparaît en Chine et c’est le chaos mondial.

Il ne s’agit pas de sauver les pandas parce qu’ils sont mignons. Il s’agit de préserver la vie sur terre parce que nous en dépendons. Il peut être facile d’oublier ce fait assez basique, mais… Oh et puis merde à la fin, je ne veux pas avoir à justifier que l’extinction de la vie est à prendre au sérieux.

Pour finir, voici des pistes pèles mêles de choses à faire et d’idées sur lesquelles réfléchir dès maintenant :

  • S’équiper en connaissances agricoles pour
  • aider la production locale d’aliments
  • renforcer le tissu social de proximité. Récupérer un sentiment de communauté locale
  • Préparer de la résilience. C’est à dire être capable d’encaisser des chocs, parce qu’il y en aura. D’où l’importance du local, de savoir faire les choses soi même, d’avoir des stocks, d’avoir des plans B si telle chose n’est plus possible… C’est la partie un peu « survivaliste ».
  • Trouvez un mode d’action qui vous convient. L’expression prend des formes variées entre les conversations, l’écriture, l’art, les manifestations… Mais nous pouvons, et à mon avis, devons désobéir. Si nous attendons que les règles changent, je crains que nous devions attendre trop longtemps. A vous de voir ce qui vous intéresse.
  • Faites les petits gestes (douches courtes, manger moins de viande, trier ses déchets, réduire ses déchets, éviter l’avion etc…) mais ne vous en faites pas trop parce que ce ne sont pas des solutions individuelles qui résoudront des problèmes collectifs. Pour autant, ne pas le faire serait idiot. Bref trouvez votre juste milieu.
  • Réduire l’artificialisation des sols (moins de béton)
  • Désengorger les villes. Car si tout le monde vit en ville, alors on a besoin d’acheminer des denrées alimentaires dans les villes (pas de place pour cultiver dans les buttes Chaumont) et donc on est dépendant du pétrole (qui lui aussi vient de loin) pour acheminer tout ça. Bref ça nous expose à beaucoup de vulnérabilités.
  • s’équiper en connaissances économiques pour réaliser que l’économie est un outil et pas un but en soit.
  • S’équiper en connaissances énergétiques, parce que c’est très technique et que en général on n’y comprend rien donc on fonde ses idées sur des préjugés.
  • Réécrire des histoires. Redéfinir ce qu’est le bonheur, redéfinir ce qu’est le futur. L’avenir ne se trouve pas dans l’espace ou dans la technologie poussée à l’extrême. Il se trouve entre autres dans la simplicité et l’humilité. Sans vision commune d’un futur, nous n’arriverons jamais à sauver la peau de notre cul.
  • Surtout surtout : libérez vous du TEMPS. Cet article vous a pris un temps fou à lire, il m’a pris un temps encore plus fou à écrire, il a pris encore plus de temps à préparer. Alors j’ai pas le droit de vous demander ça, mais je le fais quand même. Si c’est une option pour vous, travaillez moins voire plus du tout, et préparez le monde de demain. Il y a suffisamment de problèmes sur lesquels on a besoin de se pencher, et ça aura sûrement bien plus de sens que beaucoup d’autre choses.

Quelques liens et ressources pour aller plus loin :

Vincent Verzat créateur de la chaine Partager c’est sympa, activiste vidéaste résume bien la situation dans cette vidéo d’une vingtaine de minutes : https://youtu.be/tH5EMxQbrQg

Beaucoup d’autres interviews sur Thinkerview valent la peine, je vous laisse choisir.

La série Next sur Youtube avec beaucoup de personnalités qui se penchent sur le sujet : https://www.youtube.com/playlist?list=PL6g6uC6ZfFJkfO1NACqSUUMRg_0AEB3rW

Le bouquin Effondrement de Jared Diamond, que même Édouard Philippe mentionne plusieurs fois. Critiqué quelques fois pour être inexact, mais une bonne intro quand même.

Interview d’Arthur Keller, qui apporte un point de vue critique sur ceux que je cite, tout en allant dans la même direction : https://youtu.be/fgTL32EvKCs

Niveau énergie Jean Marc Jancovici explique beaucoup de choses niveau carbone, nucléaire, renouvelable, et surtout montre à quel point on en sait peu sur ces questions techniques, et donne beaucoup de pistes de réflexion assez pragmatiques. Une bonne intro est la suivante : https://youtu.be/fS5HhcbyjKc mais sa chaîne dispose de beaucoup de vidéos qui expliquent plus de choses plus en profondeur.

Sapiens, une brève histoire de l’humanité de Yuval Noah Harari. Un ouvrage qui résume l’histoire de l’humanité et recontextualise beaucoup de chose qu’on perd de vue si on pense à court terme.

Le Youtubeur Absol a aussi fait un tour d’horizon de ce qu’est l’effondrement à l’heure actuelle. Ça fout un peu les boulles, à regarder en plusieurs fois peut-être parce qu’on s’en prend vraiment plein la gueule : https://youtu.be/K01MnnOV-u4 Il a aussi fait une suite avec des contres arguments ou des choses qui tempèrent un peu son propos aussi.

Le podcast floraisons, et à mon avis tout particulièrement l’épisode « Je choisis ma consommation », qui dure 30 minutes et fait un très bon point sur l’idée de résoudre des problèmes globaux via un changement de choix personnels. https://floraisons.blog/podcast2-3/

Dans les autres épisodes, ils.elles ne mâchent pas leurs propos. A bon entendeur.

Chacun de ces liens et livres vous renverrons vers des dizaines d’autres ressources, donc à vous de jouer.


Comments

4 responses to “ToUt vA s’EfFoNdRer”

  1. Koala masqué avatar
    Koala masqué

    Bravo 🙂

    1. lairlair avatar
      lairlair

      Merci 😀

  2. Annie Lechouctier avatar
    Annie Lechouctier

    Oui mais quand même, les koalas ils sont mignons..!!
    Super Léo et merci pour ta réflexion et tous ces conseils de lecture ..

  3. Christelle avatar
    Christelle

    Dans les must-read sur ce sujet: This changes everything de Naomi Klein 🙂

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